L’assignation identitaire, la pire des prisons

Chère lectrice, cher lecteur, bonjour,

Suite à la publication de mon billet précédent relatif à un navet (« Opération Portugal ») qui sera à l’affiche au cinéma en décembre, je vais parler d’un véritable fléau : l’assignation identitaire.

Qu’est-ce que c’est l’assignation identitaire ? C’est une prison. C’est une injonction à rester dans son rang, à ne pas faire des vagues, à adopter le comportement que l’on attend de nous et, surtout, ne pas prétendre atteindre une place qui ne nous serait pas destinée. L’assignation identitaire peut avoir plusieurs formes : elle peut être ethnique, sexiste ou sociale. Lorsqu’on essaie, à l’école, d’acheminer un enfant d’immigrés vers les filières professionnelles (alors qu’il/elle veut suivre le cursus général), ça, c’est de l’assignation identitaire. Quand une personne issue d’un milieu modeste fait des études, bénéficie de l’ascenseur social et, malgré tout, continue d’être vue comme un enfant de maçon/femme de ménage/ouvrier, etc., bref, un/e moins que rien, ça aussi, c’est de l’assignation identitaire. Et que dire d’une femme qui, malgré son parcours de vie, subit le fameux plafond de verre qui l’empêche de s’épanouir professionnellement ? Il s’agit, encore une fois, de l’assignation identitaire.

Voilà ce que c’est l’assignation identitaire. Un sparadrap qu’on nous colle, ou pire encore, un tatouage infâme, comme ceux des déportés dans les camps de concentration nazis. L’assignation identitaire écrase et déshumanise les individus, car elle les réduit à des symboles, à des catégories, tout en brisant leurs rêves. Bref, tais-toi, reste dans ton rang, surtout ne bouge pas, reste là où tu es.

En ce qui me concerne, j’ai eu de la chance, car mes parents, qui n’ont pas pu faire des études puisqu’ils étaient pauvres, ont lutté pour que mes sœurs et moi puissions étudier et dépasser notre condition sociale. Je suis née au Portugal, je suis petite-fille de paysans et de petits-artisans et fille d’un charpentier et d’une femme de ménage. C’est loin d’être une honte, car ce sont des honnêtes gens qui ont travaillé dur pendant toute leur vie et n’ont jamais fait de mal à personne. Cependant, je ne suis pas que cela et je ne veux pas être assignée ni à la condition sociale de mes parents et grands-parents, ni à ma nationalité. Mon parcours, mon expérience de vie m’ont ouvert des frontières physiques et mentales, qui dépassent largement ma famille, le pays où je suis née et mon pays d’adoption. Ceci dit, je n’ai pas l’obligation de correspondre aux étiquettes qu’on essaie de me coller dessus. Je n’ai pas non plus l’obligation de me conformer aux normes sociales et de faire ce qu’on attend de moi. Ma vie m’appartient et j’en fais ce que je veux.

C’est pourquoi je dénonce, encore une fois, des films comme « Opération Portugal » : ils veulent nous imposer, à nous, Portugais en France, une assignation identitaire, comme si nous n’avions pas de rêves, ni d’ambitions, comme si nous ne pouvions être autre chose que ces images d’Épinal tellement fausses, tellement mensongères qui circulent à propos de nous. Cependant, beaucoup de Portugais en France acceptent cette assignation identitaire, alors qu’ils ont fait des études et ont bénéficié de l’ascenseur social. Pourquoi ? C’est un mystère pour moi.

L’assignation identitaire est une prison, surtout mentale. Cependant, cela n’a rien d’inéluctable. Osons la liberté, cherchons-la, n’ayons pas peur de tout bousculer pour la trouver.

Chaque individu vaut plus et mieux que toutes les prisons identitaires, toutes les étiquettes qu’on essaie de lui coller dessus. Comme disait l’écrivain Mozambicain Mia Couto, chaque homme est une race.

NB: Cet article a été initialement publié sur le blog de l’auteur http://lettreslusitanie.canalblog.com/archives/2020/10/14/38590382.html le 14 octobre 2020

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