EXILS – Témoignages d’exilés et déserteurs portugais en Europe (1961-1974) par Rui Bebiano

Ce texte est le préface du Livre d’exils, en phase d’édition, qui sera publié par l’AEP61/74. Il est signé par Rui Bebiano, historien, professeur d’Histoire contemporaine à L’Université de Coimbra et chercheur au Centre d’études sociales (CES). Depuis juin 2011, il est directeur du Centre de Documentation 25 avril, de l’Université de Coimbra.

Témoignages d’exilés et déserteurs portugais en Europe (1961-1974)

Expérience et mémoire de la désertion et de l’exil Pour commencer

« Quelqu’un peut-il être ce qu’il n’est pas ? Quelqu’un peut-il être ce qu’il n’est pas ? Quelqu’un peut-il être ce qu’il n’est pas ? »Quand j’ai commencé à lire les textes qui composent ce livre, je me suis souvenu du refrain d’une chanson que Sergio Godinho avait inclus, en 1972, dans son album « Pré-histórias » [« Pré-histoires »].

Cette même année, j’ai été arrêté au cours d’une manifestation contre la guerre coloniale et j’ai senti immédiatement que mon destin était tracé : la fiche de renseignement de la PIDE-DGS [police politique] allait m’empêcher de poursuivre mes études, et si je n’étais pas envoyé à Caxias [prison politique située près de Lisbonne], on m’incorporerait à l’armée, dans un bataillon destiné à partir en Afrique. Comme je ne pourrais cesser d’être qui j’étais, je choisirais la désertion et l’exil, comme bien d’autres avant moi.

Mais le récit de cet épisode personnel attendra la fin de ce texte. Ce qui importe pour l’instant c’est de souligner que le chemin de la désertion paraissait alors évident, presque inévitable pour beaucoup de ceux, dont certains prennent la parole dans ce livre, qui ont décidé de ne pas trahir leur conscience et la confiance de ceux qui, comme eux, n’ont pas accepté de pactiser avec une guerre injuste et un gouvernement tyrannique.

1. Ambiguë, insaisissable, presque toujours à la marge, telle est la condition du déserteur. Qu’elle soit montrée du doigt ou bien considérée, criminalisée ou perçue comme héroïque, la désertion commence par être ce que d’autres, ceux qui la jugent à distance, désignent comme « un geste hors-la-loi ». Déserter pour des motifs politiques, abandonner le pays avant même d’être intégré dans les rangs de l’armée, n’était pas jusqu’au 25 avril 1974, une décision facile et comprise par tous. Au-delà d’être considérée comme un crime, la désertion inspire, à l’exception des cercles les plus politisés de l’opposition à l’Estado Novo [Etat Nouveau], un discrédit d’ordre moral. Le régime s’efforçait ainsi de la faire admettre comme une forme de «trahison » consistant à refuser d’accomplir un devoir envers la « patrie » dont les intérêts étaient, soi-disant, bien au-dessus des choix individuels.Le mépris que certains milieux de la société, nostalgiques du passé colonial ou bien ancrés à droite, continuent de porter à ce choix est le signe que, pour eux, cette tache ne peut être effacée.

Malgré tout le temps écoulé depuis la fin de cette guerre, qui a contraint des milliers de jeunes à cette démarche extrême, il existe encore des portugais, parmi eux de notables défenseurs du régime démocratique, voire même des militaires en accord avec la révolution d’avril, qui sentent et même expriment un certain malaise devant ceux qui assument publiquement d’avoir fait ce choix. Pour ceux-là, « Le Déserteur », la célèbre chanson de Boris Vian, n’a jamais été un hymne. Ils n’en comprennent pas les paroles et ne veulent pas les tolérer. Le substantif « trahison » résonne alors en vain, comme les mots « peur » et « confort ». Cela est parfois difficile à admettre mais la réalité est la suivante : il existe encore des gens qui critiquent le choix, dramatique et difficile, de ceux qui ont décidé de ne pas faire une guerre avec laquelle ils n’étaient pas d’accord.

Ceux qui choisiront une vie d’exil, souvent difficile, synonyme d’un engagement politique qui exigeait du courage car dangereux, hypothéqueront, parfois pour toujours, leur bien-être personnel et l’espoir d’un avenir tranquille. Bien loin des insinuations de « couardise », la désertion représenta pour beaucoup de ces milliers de jeunes gens, un geste risqué et courageux, une démarche individuelle de résistance à un régime injuste et criminel avec lequel ils n’acceptaient pas de pactiser. Il est important de le montrer et de le reconnaître publiquement.

2. Des années après, l’approche historique du thème de la désertion continue à être difficile. D’abord parce que les témoignages à la première personne et les documents d’archives n’abondent pas. Ils existent mais ont été longtemps renvoyés à la sphère privée. C’est seulement maintenant qu’ils commencent à être portés à la connaissance de tous. Ensuite, parce qu’il n’existe pas de statistiques précises et digne de foi sur le nombre de déserteurs, réfractaires et manquants à l’appel, ni sur leur répartition géographique dans l’exil. Mais également parce que les mouvements de gauche, qui ont défendu ou acceptaient ce choix, n’étaient pas tous d’accord entre eux, alimentant encore aujourd’hui quelques controverses à propos de la thématique.

Le Parti Communiste Portugais (PCP.) fondait sa position sur un soutien effectif aux positions défendues par les mouvements indépendantistes. Depuis le début du processus, il partait de l’idée que l’émancipation des peuples coloniaux et la lutte du peuple portugais pour la liberté, ayant comme ennemi commun le gouvernement fasciste et colonialiste, étaient étroitement liées. Cependant, la manière de concevoir la lutte interne contre la guerre évoluera dans le temps, notamment en ce qui concerne le problème de la désertion. Sur cette question, un texte publié dans un numéro du « Militant » de janvier 1966 (n°141) sera fondamental. Le titre de ce programme était déjà tout un programme : « Créer une forte organisation militaire est une des tâches les plus urgentes du parti ».

Dans celui-ci, le parti attribuait une grande importance à l’organisation des communistes dans les casernes et à la propagande auprès des soldats, en pointant un ensemble de cibles : « contre la guerre des colonies, contre la violence des manœuvres et des exercices militaires, contre les injustices et les vexations de la part des officiers et des commandants fascistes, contre l’ingérence d’officiers étrangers et l’installation de bases étrangères en territoire national, contre la politique de trahison nationale du gouvernement fasciste, contre le terrorisme politique et la répression, contre l’absence de libertés démocratiques ».

Toutefois, la désertion fut le thème le plus développé dans le document. Il y était déclaré : « Il est clair que le parti, non seulement ne s’oppose pas mais préconise et applaudit la désertion des soldats, sergents et officiers qui refusent de participer aux guerres coloniales criminelles (…..). L’organisation des désertions collectives (….) doit donc continuer et s’intensifier le plus possible ». Cependant, le document explique que « cela ne s’applique pas aux militants », et que le parti ne peut « soutenir la désertion individuelle » ce qui reviendrait à priver beaucoup de jeunes à l’intérieur même des forces armées d’être éclairés sur le caractère négatif de la politique coloniale du gouvernement. Il y est même écrit : « Dans la lutte contre la guerre coloniale, les communistes ont le devoir d’aller le plus loin possible, même jusqu’au front, avec toujours comme objectif d’éclairer les autres soldats sur le fait qu’ils ne doivent pas combattre, ni risquer leur vie pour défendre les intérêts des monopolistes et autres ennemis de la Patrie ».

De la même manière, il est exclu d’abandonner le pays avant d’être soldat ou même de faire ses classes. Le document pose la question : « comment concilier l’attitude de ces camarades avec les objectifs de la révolution s’ils n’apprennent même pas le maniement des armes ? ». Peu de temps après, un nouvel article (« les jeunes communistes et la guerre coloniale » n° 144, août 1966) donne un éclairage complémentaire : « le Parti désapprouve les désertions individuelles des membres du Parti, ceux qui pourront vraiment déserter sont ceux qui seraient en danger d’être emprisonnés, à cause de leur action révolutionnaire ou parce qu’ils ont accompagné les désertions collectives ».

3. Ceci fût une des étapes importantes du processus graduel et multiforme qui a tenu à distance du PCP. beaucoup de jeunes antifascistes qui, particulièrement dans les dernières années du régime, s’étaient rapprochés des positions de la « gauche révolutionnaire ». Dans les milieux universitaires, les étudiants communistes, dont l’activité était en grande partie concentrée dans le combat semi-légal contre la politique d’éducation du gouvernement et dans la reconnaissance du rôle rassembleur de la vie associative, ne voyaient pas la lutte anticoloniale comme une tâche prioritaire. De cette façon, ils ne répondaient pas à une problématique qui affectait directement la vie des étudiants de l’enseignement supérieur et des jeunes en général. Ceux-ci se sentaient affligés de cette situation, profondément révoltés et voyaient leur avenir bloqué. Dès lors, l’organisation de groupes estudiantins combatifs devint moins difficile et certains, situés plus à gauche, prendront comme axe principal de leurs initiatives l’opposition active à la guerre coloniale. Au même moment, dans les milieux de l’émigration, où beaucoup d’exilés et de déserteurs travaillaient de manière organisée pour la politisation des travailleurs émigrés, le thème de la guerre est devenu le point de convergence des initiatives de groupes actifs et militants, ouvertement engagés sur des initiatives de nature anticolonialiste. Dès les premiers documents, la thématique anticoloniale fut très présente dans les objectifs politiques de ce secteur. Ce fut d’ailleurs un des points de divergence avec le PCP, moins tourné vers le combat immédiat, curieusement même moins ce qui était proposé dans certains secteurs catholiques « progressistes ».

Déjà en 1964, dans le premier numéro du journal clandestin Revolução Popular [Révolution Populaire], organe du Comité Marxiste-Léniniste Portugais (CMLP) on déclarera que « le début des guerres révolutionnaires de libération des peuples des colonies portugaises a inauguré une nouvelle phase de la lutte antifasciste au Portugal ». La position défendue était que la lutte armée des mouvements indépendantistes devrait s’articuler avec la lutte des portugais, elle-même ayant recours aussi à la violence armée conduisant au renversement du fascisme, et qu’il n’y avait pas de temps à perdre dans la poursuite de cet objectif.

4. Cette option déterminera, même après la dissolution du CMLP, l’activité des groupes qui en dériveront et/ou prendront leurs distances, pendant la courte mais complexe histoire de notre mouvement, auto-désigné  mouvement marxiste-léniniste ou maoïste, avant le 25 abril. Malgré les divergences successives qui furent à l’origine de scissions, presque toutes les organisations maintiendront à ce sujet, à de petites différences près, parfois simplement formelles, trois principes de base en commun.

Le premier consistait à reconnaître que la lutte contre la poursuite de la guerre coloniale constituait une tâche prioritaire, prélude nécessaire et indispensable à la chute du régime et à l’instauration d’une société qui devait être nouvelle et plus juste. Le second voulait que tant que durerait la guerre, un révolutionnaire ne devrait en aucune façon accepter d’aller combattre les mouvements indépendantistes dans les territoires africains. En conséquence, le troisième déterminait que, une fois incorporé dans les rangs des forces armées, lorsqu’il serait mobilisé pour se rendre sur les théâtres d’opération, le révolutionnaire devrait forcément déserter, continuant à se battre, avec d’autres fonctions et dans d’autres contextes, pour la fin du fascisme, pour la révolution sociale et pour le droit des peuples des colonies.

Un de ces groupes, et sans aucun doute un des plus actifs, fut l’OCMLP (Organisation Communiste Marxiste-Léniniste Portugaise), structure créée à partir de la fusion du « Grito do Povo » [« Le Cri du peuple »] et de « O Comunista » [« Le Communiste »] et dans lequel ont milité ou avec lequel ont collaboré les auteurs de ces témoignages. Ce mouvement proposait la désertion avec les armes à la fin des classes militaires, permettant ainsi de conjuguer le refus de participer à la guerre coloniale avec la concrétisation des conditions matérielles pour le lancement futur d’une révolution armée pour abattre le régime.

Le Manifeste du Soldat le disait clairement « Quand tu désertes, essaie par tous les moyens de t’approprier les armes, les explosifs, les uniformes, les documents, les cartes, etc… Si tu as un ami révolutionnaire de confiance confie lui le matériel. Sinon, enterre-le, en le protégeant bien de l’humidité ou cache-le bien dans un lieu sûr : quand la révolution en aura besoin, les armes seront là, prêtes à servir ». En même temps qu’on essayait d’atteindre ces buts et de les mettre en pratique, en créant les conditions de sortie du pays des militaires révolutionnaires ou plus politisés, l’OCMLP participait à des organes « frontistes » associés à la lutte anticoloniale, comme les « Comités Servir o Povo » [« Comités Servir le Peuple »] et autres. Dans l’émigration, cette organisation animait déjà des journaux, des groupes de théâtre et des associations dans lesquelles le combat contre la guerre et la dynamisation de la conscience politique de la communauté portugaise émigrée en France, en Suisse, au Luxembourg, en Hollande, au Danemark et dans d’autres pays, constituaient un élément essentiel. Plusieurs des textes ici proposés racontent, de manière assez détaillée, et par qui l’a vécu, ces années d’expérience et d’infatigable militantisme.

5. Ceux qui écrivent ce livre sont des hommes et des femmes qui ont participé activement à cet univers, agissant en terres d’exil en adéquation avec leur décision de déserter des forces armées portugaises ou d’appeler à la désertion dans les communautés portugaises émigrées en Europe, de militer contre la guerre coloniale, et globalement, de maintenir une résistance active et organisée contre un régime fasciste et colonialiste. Les femmes tiennent ici une place particulière. Ne pouvant être, de fait, «déserteuses» de l’armée, elles ont choisi elles-mêmes leur condition d’exilées, dans un acte militant qui les a rapproché de la condition des déserteurs. Leurs importants témoignages contribuent, d’une autre façon, à compléter ou à revisiter à leur manière, beaucoup de ce que leurs camarades ou compagnons de l’époque nous racontent dans leurs textes.

Lire ce qui se raconte ici nous permet cependant de dépasser la simple énonciation des choix politiques, partagés par tous ceux qui ont témoigné et communs à tant d’autres jeunes qui ont choisi la voie de l’exil pour éviter de faire la guerre et continuer leur combat politique. Cela nous permet également de connaître leur quotidien d’alors et par conséquent, de comprendre et de reconnaître que le chemin qu’ils ont choisi ne fut pas, comme certains le proclament encore, la voie la plus facile. Abandonner le cocon d’origine pour, loin de chez-soi, « vivre avec l’essentiel, recommencer tout à zéro », comme on le dit à un certain moment du livre, était tout sauf un choix simple. Cela impliquait de laisser sa famille, sa terre, son quartier d’origine, la possibilité d’une sécurité matérielle, voire carrément vivre un « processus de déclassement social » comme le dit Miguel Cardina, dans son étude sur le maoïsme au Portugal entre 1964 et 1974. En somme, cela signifiait être obligé de vivre « là où on pourrait se cacher », souvent sans gîte assuré, sans garantie de travail, sans le confort d’un lit chaud et d’un couvert. Les plus solitaires vivaient en marge de la légalité et sous la menace de la police, des services d’émigration et même de l’étroite surveillance de la PIDE. Les lieux d’exil n’étaient pas des clubs de vacances ni des haltes de voyage mais plutôt des territoires instables où la jeunesse du corps, la solidarité de certains compagnons, les amours occasionnels, la foi dans la Justice historique et dans une utopie qui fait espérer, étaient les choses qui alimentaient le mieux, corps, âme et détermination à poursuivre.

Et puis, il y avait la lecture, le théâtre, le cinéma, la musique qui contribuaient au processus d’émancipation et de politisation. Dans un pays appauvri, bâillonné et en guerre, étaient des activités qui pour les uns étaient très contrôlées et pour les autres pratiquement impossibles. Ceci est aussi l’esprit qui accompagne ces pages. Celui d’une d’appréhension romanesque du monde, d’une conquête de nouveaux horizons qui a transformé ces hommes et ces femmes en leur conférant une vision différente du monde, de l’histoire, de la vie personnelle voire même de leur propre pays. Une vision différente de celle partagée par ceux qui étaient restés là-bas, habitaient l’ «intérieur » ou de ceux qui avaient fini par gagner, souvent sans billet de retour, les fronts encore plus lointains de la guerre coloniale .

Ce n’est pas seulement à cause de ça, mais aussi pour ça, ces textes dégagent la fierté. A l’inverse de ce que peuvent penser ceux qui ne comprennent pas, et qui peut-être ne pourront jamais comprendre le choix personnel et politique de la désertion, ces hommes et ces femmes savent qu’ils ont vécu une expérience unique, que ce choix les a changés pour toujours et, par-dessus tout, qu’ils ont accompli un destin qu’ils ont perçu et continuent à percevoir comme un devoir. Et ils sont convaincus, même si certaines expériences d’exil par lesquelles ils sont passés ont eu leur inévitable côté négatif, qu’ils ont fait ce qu’ils avaient à faire.

Pour finir (1)

Il est vrai que, si nous nous attachons au détail, nous pouvons quelquefois relever des imprécisions, des anachronismes ou même de petites contradictions dans les récits ou les références qui apparaissent dans ces témoignages. Finalement, le travail de la mémoire, qui ne se confond pas avec l’histoire mais l’alimente, passe aussi comme on le sait, par l’oubli, par la sélection de ce que chacun considère comme plus important et par l’introduction d’expériences postérieures, en d’autres moments et en d’autres lieux. Cela se traduit parfois par un élargissement de la marge d’erreur.

Mais ces cas ponctuels ne servent qu’à mettre en valeur le degré de sincérité et le retour au passé que nous trouvons ici. Ce livre est, pour cette raison, une contribution indispensable et intensément personnelle, à la construction d’une histoire collective qui en réalité reste encore à faire. Une histoire qui, une fois conclue, subira encore les anathèmes de ceux qui s’obstinent à blâmer ceux qui ont agi par devoir moral et qui mériterait uniquement respect et gratitude.

Pour finir (2)

Car ce qui qui est promis est dû, et je crois relater une situation singulière, je termine avec la fin de la petite histoire personnelle que j’ai commencée à raconter au début de ce texte. Celle de ma propre désertion.

J’ai vécu le 25 avril 1974 déjà en qualité de militaire (je suis devenu soldat le 17 avril 1973), et j’ai, en août 1974, été incorporé dans un bataillon destiné à partir pour l’Angola. Cependant, comme les Accords d’Alvor qui, en janvier 1975 ont établi les paramètres pour un partage du pouvoir entre les trois mouvements indépendantistes angolais, n’étaient pas encore en vigueur, l’OCMLP, laquelle à l’époque militait activement, a décidé de maintenir l’appel à la désertion. Et c’est ce que je fis, désertant du 15ème régiment d’infanterie de Tomar, et restant dans la clandestinité de septembre 1974 à janvier de l’année suivante, quand, grâce à la paix signée (une paix transitoire, mais cela nous ne le savions pas encore à l’époque) je pus réintégrer l’armée sous couvert d’une amnistie. Dès février je partais de fait pour Luanda, pour vivre là-bas en tant que militaire mais aussi avec comme objectif les tâches politiques proposées par l’organisation, en cette «année de braise » de 1975.

« Ma » clandestinité fut vécue à travailler comme manœuvre dans une entreprise de bâtiment du district de Braga, dans le nord du Portugal. Mais cette solution n’est apparue que dans un deuxième temps. Car le matin de septembre 1974 où je suis sorti de la maison de mes parents sans qu’ils puissent imaginer ce que j’allais décider de faire, j’ai cru n’avoir comme seul destin, comme tant d’autres avant moi et comme les camarades qui parleront ensuite, que le chemin d’un exil sans retour, projeté vers une autre vie vécue au-delà des Pyrénées.

« Quelqu’un peut-il être ce qu’il n’est pas ?»

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